29 sept. 2023 - WhoIsWho

Who’s Who : CYPRES, à travers le regard de Nadine Bordas et Gérard Fetter

  • Gérard Fetter, ancien Directeur technique pour Airtec, toujours actif bénévolement, impliqué dès la création du Cyprès
  • Nadine Bordas, chargée de clientèle pour Airtec

Nadine Bordas est chargée de clientèle pour Airtec depuis 12 ans. L’entreprise a développé un produit unique, qu’elle développe et revend depuis plus de 30 ans : le CYPRES. Nadine accompagne et développe un portefeuille de clients civils francophones. Sous la même casquette, elle a aussi la responsabilité des militaires à l’échelle mondiale, hormis les Etats Unis et l’Allemagne, pris en charge par un de ses homologues. Après plusieurs années dans le commerce dans des secteurs d’activités variés, elle a voulu rejoindre son compagnon allemand. Elle déménage donc outre-Rhin en 2011 avec détermination : « Je venais d’être licenciée en France. J’attendais une nouvelle aventure professionnelle. Airtec, de son côté, recherchait une commerciale trilingue maitrisant l’allemand, l’anglais et le français. Je n’ai pas hésité et j’ai pris la route ! »  Une gageure supplémentaire, alors qu’elle ne connaissait pas ce sport et n’avait jamais sauté. Nadine aborde cette nouvelle vie avec humour : « Après tout, j’avais vendu des produits informatiques, puis vétérinaires, alors pourquoi pas le parachutisme ! “. Nadine et son conjoint passent 6 ans en Allemagne, avant de revenir en région Centre-Val de Loire pour se rapprocher de leurs enfants. Ses responsables ont accepté qu’elle poursuive son travail de manière délocalisée. Depuis janvier 2017, elle travaille donc toujours pour l’entreprise allemande, mais depuis Tours. Elle bénéficie d’un statut unique particulièrement épanouissant car elle est aussi l’heureuse grand-mère de 4 petits-enfants.

L’ambition de sauver des vies
Le CYPRES, c’est l’aboutissement de la pugnacité d’un homme, Helmut Cloth, pour sauver des vies. L’objectif était ambitieux ; à la hauteur de l’enjeu. Le CYPRES, résultat de plusieurs années de développement, se devait d’être un « produit parfait », vibrant hommage à son ami disparu tragiquement. En 1986, lors d’un saut, Helmut perd son meilleur ami, Freddy Leising, avec qui il sautait très régulièrement. A l’époque, les déclencheurs de secours n’étaient pas fiables, et n’étaient pas utilisés. Son ami va décéder brutalement lors d’un saut. Helmut est profondément marqué par cet accident. Il était quasi certain que la mort de Freddy aurait pu être évitée. Et, plus globalement, c’était pour lui le drame de trop. Parachutiste aguerri, Helmut était avant tout entrepreneur et ingénieur. Il s’est alors donné pour mission de mettre au point un produit innovant, inhabituel car jamais conçu, et extrêmement fiable, pour éviter de futures telles tragédies.
Nadine raconte : « Seul un produit parfait était acceptable. Helmut va commencer par dresser la liste de ce que ce produit idéal devrait être. Il cherche à s’entourer de collaborateurs ayant le savoir et les compétences nécessaires pour construire l’appareil. Il va ainsi constituer une équipe d’ingénieurs. Ensemble, ils vont travailler ardument, avec une exigence pointue, pendant 5 années avant d’aboutir au premier CYPRES ». « Le développement a été réalisé grâce à de l’argent privé uniquement » précise Nadine. “C’est important et lourd de sens, car Helmut a investi personnellement dans ce projet, humainement et financièrement ».
Au cours des années suivantes, des experts en aérodynamique, en thermodynamique, des machinistes, des physiciens et des ingénieurs ont consacré des milliers d’heures d’essais au projet.
« Des centaines de défis ont été relevés, notamment ceux que l’on pensait impossibles ! ». L’appareil devait fonctionner pour tous les parachutistes, par tous les temps et dans toutes les conditions d’humidité, être d’une précision extrême, utiliser une puissance minuscule, avec une sécurité intégrée.

Le premier appareil est vendu le 10 janvier 1991 pour le civil. Les militaires, emballés par le premier modèle, ont souhaité un produit spécifique, selon un cahier des charges optimisé pour leurs usages. Le premier modèle militaire CYPRES est sorti en 1993.

Une exigence qualité dans les moindres détails
On ne construit pas un appareil comme celui-ci comme on construirait une machine à café. Ce matériel doit garantir un sauvetage lors d’un saut qui présenterait un danger. Dans l’industrie, pour tout produit ou service, il est accepté une certaine marge d’erreur. Ici, Helmut est parti du postulat qu’il ne pouvait pas y en avoir. Les équipes vont donc tout faire pour qu’il ne puisse jamais y avoir de panne. « La marge d’erreur est de zéro car chaque erreur mène inévitablement à un décès. Ce n’est donc pas acceptable » justifie Gérard, ancien Directeur technique pour Airtec, impliqué dès la création du Cyprès et toujours actif bénévolement.
Plus qu’une philosophie, il s’agit d’une exacerbation du bien-faire à travers chaque étape, en alliant technique, contrôle et design abouti.
On pourrait penser que la difficulté majeure aurait résidé dans la conception du cahier des charges et que la production et la distribution qui allaient en découler ne seraient que des formalités. Selon Gérard, “en réalité, il n’en est rien. C’est en production que se révèle la complexité la plus profonde. Maintenir une qualité irréprochable est un défi quotidien, qui impose une exigence constante. Dès les prémices, Helmut a su impulser une dynamique de confiance et de responsabilisation de ses collaborateurs. Pour cela, il a fallu convaincre toutes les personnes impliquées, à toutes les strates, de la mission de l’entreprise. Dans l’usine, règne une concentration permanente. Tout est mis en œuvre pour ne pas déstabiliser les salariés. Pour le créateur, l’application totale et réfléchie est un facteur clef. Le pendant de cet adage, c’est qu’il n’y a pas de rythme de travail ou de vitesse imposé”. En revanche, le silence est d’or. Nadine en témoigne : « C’est saisissant. L’usine est plus calme qu’une bibliothèque ! » Pas de radio, pas de conversations, et de très rares visiteurs sont autorisés.

La production est organisée en différents groupes de travail. Chacun est composé de deux ou trois salariés. Tous sont capables de réaliser le travail demandé au sein du groupe, pour s’assurer qu’il y aura toujours une personne présente avec les compétences requises. Chaque personne est capable de reprendre le travail de son collègue. Le premier groupe réalise une tâche, le second vérifie et teste le travail du premier groupe. Après la vérification, le groupe passe à la réalisation de son étape de fabrication. Le prochain groupe prend le relais et ainsi de suite. Le produit passe deux fois devant chaque groupe. Ainsi, le premier groupe va recevoir de nouveau le produit, à un stade bien plus avancé, et le vérifier à son tour. C’est l’heure d’un premier constat : certaines unités ont pu être écartées sur la chaîne. Les collaborateurs sont sensibilisés aux problématiques éventuelles et chaque groupe vérifie en permanence l’étape précédente. Une méthode de travail exceptionnelle.

Helmut a aussi souhaité libérer complètement la production de la pression financière. Il se charge des achats de matériaux en personne. La production peut ainsi se focaliser à 100% pour aller au bout du processus, jusqu’au produit fini, sans crainte de retirer des pièces défectueuses. L’ensemble des produits utilisés dans la fabrication est testé. Seuls les cutters font exception à la règle, car, une fois testés et tirés, ils ne peuvent plus être utilisés. Ce sont donc 5% des cutters qui subissent un test. Alors que tous les autres fabricants ne testent que 2.5% sur cet élément précis. Les matériels sont radiographiés individuellement. Depuis le premier CYPRES fabriqué, toutes ces radios sont archivées : la société sait comment ils sont assemblés, montés et installés. C’est pourquoi l’entreprise n’est pas certifiée, car les normes européennes sont bien inférieures à la qualité que s’impose Airtec.

Comment fonctionne le CYPRES ?
Tout commence avec la mesure de la pression atmosphérique qui indique la hauteur du parachutiste par rapport au sol. L’appareil calcule ensuite la vitesse de chute. Si le paramètre hauteur n’est pas compatible avec la vitesse de chute calculée, le système se déclenche. Innovation sans précédent, le CYPRES propose un système indépendant du parachute pour plus de sécurité. Les anciens ouvreurs tiraient sur un élément de la poignée : l’aiguille qui ferme le sac. Mais si la poignée ne fonctionnait pas, quelle qu’en soit la raison, le parachutiste risquait une chute tragique. Le CYPRES s’allume au sol, et s’éteint au bout de 14 heures ; une durée calculée pour couvrir la plus grande amplitude horaire possible de sauts, selon la lumière. Cela évite de l’allumer et de l’éteindre à plusieurs reprises et permet d’échapper à l’erreur humaine la plus élémentaire.

Activation du CYPRES > https://youtu.be/wXq39D8ACTA

Le développement d’un produit parfait
A l’époque, les ouvreurs avaient très mauvaise réputation : ils s’ouvraient quand il ne le fallait pas et ne s’ouvraient pas quand il le fallait. Gérard revient sur l’acharnement et la motivation d’Helmut : « Il a développé un produit dont personne ne voulait ! Il a donc fallu produire un produit parfait pour le faire accepter. Il fallait qu’il réunisse tous les critères reprochés à ses concurrents. Il s’était donné pour mission de créer un bijou de technologie, qui soit à la fois plus petit mais, surtout, plus précis et donc plus fiable ». Lors de notre entretien, Gérard Fetter nous demande « Quelle est selon vous la première exigence d’un ouvreur automatique ? » Qu’il s’ouvre quand on en a besoin, avons-nous été tentés de répondre en première intention. « C’était la vision de tous les autres ouvreurs jamais créés. Airtec en a pris le contrepied. L’exigence première du CYPRES, c’est qu’il ne s’ouvre pas quand vous n’en avez pas besoin ! Et ensuite, seulement, qu’il s’ouvre quand vous en avez le besoin. Il ne faut surtout pas qu’il risque de tuer un parachutiste en se déclenchant alors que ce n’était pas nécessaire ». Plusieurs accidents tragiques ont eu lieu dans des cas similaires lors de collisions entre para ou des sorties d’avions.

Helmut a listé les critères pour un ouvreur idéal selon lui, agrégeant une combinaison de facteurs techniques, matériels et psychologiques :

  • Ne jamais se déclencher de manière incorrecte
  • Être absolument fiable en cas de besoin
  • Être extrêmement précis
  • Ne pas limiter le parachutiste dans ses actions
  • Disposer d’un système autonome d’ouverture du conteneur
  • Nécessiter un minimum d’attention
  • Être simple d’utilisation
  • Ne pas être détectable de l’extérieur de la plate-forme (en raison de l’attitude négative à l’égard des AAD à l’époque)
  • Nécessiter une maintenance minimale
  • Être de petite taille
  • Être léger
  • Résister à toutes les influences extérieures pendant le parachutage, l’emballage ou le voyage
  • Être facilement installable sur tous les modèles d’appareils existants

Pourquoi avoir inclus des facteurs psychologiques ? Les parachutistes, par nature, défient les lois terrestres. Ils pensent, souvent à tort, tout contrôler. La confiance et l’égo jouent un rôle prédominant ; ils pensent avoir le temps et pouvoir s’en sortir. La notion de temps se perd dans les airs. Et c’est d’autant plus dangereux. Or, leur vie en dépens. L’ouvreur doit donc se déclencher avant que le parachutiste n’ait pris sa décision.

C’est ce qui est arrivé à Freddy Leising, qui comptabilisait pourtant plus de 13 700 sauts, véritable légende dans les années 70. Lorsqu’il a manqué d’altitude pour déployer sa voile, il pensait encore pouvoir réussir à ouvrir, comme il l’avait fait des milliers de fois auparavant.

© https://www.skydivemag.com/new/30-years-of-cypres/

La démocratisation du CYPRES

Il a ensuite fallu beaucoup de pédagogie, de patience et de démonstrations, pour populariser le CYPRES. En 1992, lors d’une compétition à Panama, Tom Piras, champion du monde de VR4 et organisateur légendaire aux États-Unis, décède dans un accident. Un décès qui aurait pu être évité grâce à CYPRES. Tom a été assommé dans un entonnoir et n’a pas réussi à déployer sa voile. Il aurait déclaré à son vidéoman avoir commis une faute et oublié d’allumer son CYPRES. La mort tragique de ce parachutiste de renommée mondiale a changé la perception de la communauté parachutiste, sauvant d’innombrables vies par la suite. Tous les parachutistes ont pensé « si cela peut arriver à un champion du Monde, cela peut m’arriver aussi », raconte Gérard. « Le lundi suivant, les bureaux Airtec croulaient sous les demandes : « on avait des mètres de téléfax de commandes ! ».

(https://youtu.be/riAEVE9j0B4 + https://www.youtube.com/watch?v=uZO9YlVJupk)

L’amélioration continue comme leitmotiv
Depuis sa création, le CYPRES a évolué, en continu, pour répondre aux demandes croissantes du marché. Il y a 30 ans, on lui donnait une durée de vie de 8 ans. Une première phase de recul a permis d’augmenter à 12 ans. Désormais, tous les 15 ans, les experts procèdent à une révision régulière des matériaux. Pour les parachutistes, c’est un facteur de choix : pouvoir conserver ce matériel sur 15 ans de pratique, sans même changer la pile, est facilitateur. Les capteurs ont été améliorés pour une précision accrue. Le bureau technique, en charge de l’amélioration du produit, s’appuie sur les remontées terrain. Celles-ci varient au gré des évolutions que connaissent les pratiques : des voiles plus petites, une envie généralisée de voler plus vite, … « Airtec se montre à l’écoute et s’adapte en fonction de nouveaux sports, tel que le wingsuit. Concernant les militaires, les demandes arrivent par le biais de la Direction Générale de l’Armement (DGA), et des séminaires organisés tout au long de l’année. Et pour le civil, complète Nadine, nous sommes en contact régulier avec les entraineurs et athlètes.  Nous avons invité à plusieurs reprises la FFP, qui n’avait pas pu se libérer, à venir visiter l’usine en Allemagne. Mais j’espère vivement pouvoir organiser une nouvelle visite prochainement avec Yves-Marie Guillaud, le président ! »

Le sponsoring des équipes de France
Depuis très longtemps CYPRES accompagne les équipes de France. Dès 1991, les discussions ont été engagées avec Patrice Girardin. C’est avec lui que le partenariat débute. Son équipe de VR est équipée de CYPRES à partir de 1992. Puis, Airtec accentue sa politique de dotation, et attribue 80 CYPRES aux équipes de France. Pourtant, la marque ne savait pas comment ils étaient répartis au sein des équipes et n’avaient aucun moyen de savoir où étaient les unités, ni même qui les utilisaient. Les athlètes ne faisaient que peu de retours sur leurs utilisations. C’est Guillaume Dubois qui s’est chargé de répertorier, méticuleusement, les unités.

Depuis 3 ans maintenant, les unités en dotation comportent des codes pour pouvoir les tracer. C’est l’entraineur ou le responsable d’équipe qui en fait la demande. Il distribue ensuite, en moyenne, deux CYPRES par athlète, pour équiper son matériel. Le reporting est bien plus précis désormais. Cela représente environ 100 unités en dotation. « C’est d’ailleurs en France que nous sponsorisons le plus d’équipes nationales. Nous sommes très heureux de cette proximité avec les athlètes et des communications régulières déployées. Nadine conclue « aujourd’hui, CYPRES sponsorise toutes les catégories et toutes les équipes de France : un gage de confiance envers notre produit et une immense fierté face aux résultats des athlètes ! »

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