Karine Hurpy & ses enfants ou « l’urgence de les amener voler avant qu’ils ne volent de leurs propres ailes »
Karine est née en métropole et habite Lyon depuis 1989, depuis son retour de l’île de la Réunion (974), où elle a vécu durant toute son enfance, jusqu’au collège. À la suite de la mutation de son père, salarié d’EDF, la famille retourne s’installer en France. Karine est alors âgée de 11 ans ; le déménagement est d’abord un choc « Nous sommes arrivés au mois de décembre. La grisaille et la pluie pendant l’hiver, je ne connaissais pas ! Tout cela était nouveau » raconte-t-elle. Reconstruire un cercle social n’est pas facile, mais cela se fait progressivement et elle retrouve un équilibre. Une fois diplômée, elle se dirige vers une école d’infirmières. « C’est là que j’ai rencontré le papa de Mathias et Victor, mes deux enfants ». Ensemble, ils se rendent à la Réunion en 2004, un voyage au cours duquel elle lui fait découvrir cette île imprimée dans ses racines. « Quasiment tout était fidèle au souvenir que j’en avais. C’était comme un pèlerinage. Je suis allée tout retrouver, à commencer par ma maison. Je savais que de toute façon, j’allais revenir ». Une promesse faite à cette terre de cœur, à laquelle elle n’a plus jamais dérogé, même si depuis ce voyage, elle n’a pas eu l’opportunité d’y retourner : « J’ai été très heureuse de faire ce voyage en compagnie de l’homme avec qui j’envisageais de partager ma vie à l’époque (depuis nous avons divorcé). Nous avions même pour projet de nous installer là-bas,…. mais les circonstances ont changé » se confie Karine. Son ex-mari, d’origine brésilienne, avait en effet beaucoup apprécié l’île, lui trouvant des similitudes avec le Brésil, situé sous le même tropique. Tous deux ont embrassé la gaieté, la lumière, la chaleur et, surtout, la chaleur humaine… Des valeurs qu’ils ont souhaité transmettre à leurs enfants, nés deux ans plus tard et riches d’une double culture à travers leurs parents.
La transmission d’un héritage culturel
« Je crois que je les bassine un peu à leur parler de mes souvenirs d’enfance très régulièrement ! » dit-elle en riant. En réalité, cela se traduit surtout par deux valeurs immuables : l’amour des autres et une ouverture d’esprit absolue. Ne pas être dans le jugement, ne pas catégoriser l’autre par ses différences. C’est ce qui l’a marquée pendant son enfance et qu’elle trouve superbe à La Réunion. L’histoire de cette île est singulière. « Que des hommes aient pu peupler ce petit caillou où il n’y avait rien et que chacun ait pu amener sa culture, sa religion et tout ça en vivant très paisiblement, dans la tolérance, c’est formidable ». Pour Mathias et Victor, ses enfants, cette île lointaine demeure dans l’imaginaire. C’est un lieu dont ils se sentent assez éloignés. « Nous sommes davantage imprégnés par la culture brésilienne aujourd’hui. Nous parlons régulièrement portugais avec la famille de notre père » décrit Victor. La langue est un lien fort. Ils en ont bénéficié très jeunes, par le biais de la musique, des dessins animés et films. « Et puis, nous avons eu la chance d’aller au Brésil plusieurs fois, depuis l’âge de 4 ans. Forcément nous en sommes plus proches ». Les garçons ont désormais 17 ans et ont gardé une certaine « curiosité de l’ailleurs » : ils aimeraient découvrir le monde, voire, pourquoi pas, étudier ou s’installer à l’étranger plus tard.
Le retour à la Réunion et la découverte du vol
Karine, depuis 1 an déjà, projette de passer 3 semaines à l’île de La Réunion. « Je n’ai pas vu le temps passer. Les choses vont très vite. Un jour, j’ai pris conscience que mes garçons avaient déjà 17 ans et que passer un été avec moi ne ferait bientôt plus partie de leurs envies ! C’était un moment charnière ». Elle se décide donc à préparer ce voyage en surprise. Elle le leur annonce pour Noël, en 2022, en leur offrant des valises qui contiennent le fameux billet. Un ami va rajouter une suggestion qui semble, au départ, saugrenue et irréalisable, mais qui vient parfaire ce retour symbolique : que Karine et ses fils fassent un saut en tandem avec le Club de parachutisme de la Réunion. Tous trois n’ont jamais sauté. «Ma première réaction a été d’avoir peur ! Mais en même temps, je ne peux pas m’empêcher de me dire que ce serait une expérience mémorable ». Karine réfléchit à cette proposition et n’en parle pas tout de suite aux garçons. Elle en parle autour d’elle et ses proches lui conseillent de saisir cette opportunité fabuleuse. Lorsqu’elle l’évoque, enfin, avec Mathias et Victor, ils adhèrent sans l’once d’une hésitation !
Plus que de découvrir l’île vue du ciel, c’est aussi l’opportunité fabuleuse de contempler les paysages sous un nouvel angle, d’embrasser d’un seul regard ce piton volcanique recouvert de forêts tropicales perdu dans l’immensité de l’Océan Indien… et de découvrir pourquoi les oiseaux chantent. Un cadre magnifique et privilégié pour un premier saut. Si Karine a prévu d’affronter sa peur du vide pour ses enfants, dans une quête de sens et de transmission totales, les garçons n’ont, quant à eux, pas vraiment d’a priori sur le parachutisme ; si ce n’est la découverte d’une sensation nouvelle et de beaucoup d’adrénaline. Et puis, Victor et Mathias se retrouvent dans l’esprit du parachutisme : tous deux pratiquent le jujitsu, notamment en compétition. Ils embrassent les valeurs fondatrices liées au sport et à la musique : la notion d’équipe, la gestion des émotions ; l’assurance et le lâcher-prise sont ancrés en eux. Ils espèrent que le saut va ancrer en Karine un goût du lâcher-prise, qui peut soulager, faire du bien, aider à se détendre !
Pour Karine en revanche, c’est plus que paralysant pour l’instant !! « Déjà, rien que l’idée de me projeter dans le vide m’angoisse. En fermant les yeux, je le ressens ! Et me dire qu’en plus, j’embarque ce que j’ai de plus cher au monde, mes enfants, n’arrange rien à cet état d’esprit ». Elle essaie de contrebalancer ses d’angoisses en rationalisant sur la sécurité, avec des éléments factuels : les toiles de parachute sont bien pliées, tout sera sous contrôle… Ses fils lui ont dit que, si elle avait trop peur, ils pouvaient le faire tous seuls ! Mais ce n’est pas une option pour elle. « Je me dis que c’est de la folie. Mais qu’il faut le faire ! Ce sera ensemble ou rien ! Ce sont donc en quelque sorte eux qui lui donnent le courage de le faire ».
Un voyage initiatique
Le voyage est prévu pour juillet 2023. Mathias et Victor ont hâte de découvrir l’île dont leur mère leur a tant raconté les merveilles. Mais ils préfèrent laisser place à la surprise. Il est certain que l’île a dû changer en presque 20 ans. Le déroulé du voyage sera sûrement improvisé ! Seule excursion qui figure obligatoirement sur la liste : l’ascension du Piton des Neiges. L’hébergement sera leur point de chute et, de toute façon, Karine sait très bien où elle souhaite amener ses fils. Elle est tremblante de bonheur à l’idée de pouvoir leur offrir cette expérience inédite, de pouvoir leur présenter enfin La Réunion de la même façon que leur père a partagé sa culture brésilienne avec eux. Elle va leur faire découvrir les paysages qu’elle adore et qui ont une grande valeur sentimentale pour elle. C’est cet aspect de partage qui l’enchante.
Elle admet qu’ils auraient pu partir avant. Mais, plus jeunes, ils n’auraient pas pu partir pour de longues excursions avec de grandes randonnées, à l’instar de ce qu’ils ont prévu pour cet été. Et, finalement, cela devait être écrit, puisque, pour sa part, elle n’aurait jamais anticipé de sauter en parachute. Dans un an, les garçons partiront vers d’autres horizons, poursuivront leurs études peut-être plus loin de Lyon. Si Victor se destine au commerce et à la finance, Mathias, lui, se rêvait médecin plus jeune, parcourant la Polynésie en bateau pour venir en aide aux populations reculées. Désormais, il prévoit de rester en France et s’est tourné vers les sciences.
Il était important, voire essentiel, de sceller cet âge d’un moment symbolique, partagé ensemble. Ils construiront ensuite leur vie comme ils le souhaiteront. Pour Karine, c’est le bon moment pour les amener voler avant qu’ils ne volent de leurs propres ailes.
« Il y a beaucoup de personnes derrière nous, qui nous soutiennent dans ce projet. (Yves-Marie Guillaud, le président de la FFP, bien entendu puisqu’il est à l’initiative du saut), le PCB, Phoebus Communication, mon compagnon aussi, le papa des garçons, toutes nos familles nous encouragent ». Karine est vraiment heureuse que ses proches puissent aussi vivre cette expérience par procuration, notamment à travers ce reportage puis, par la suite, via la vidéo du saut… Et à travers tout ce qu’elle pourra leur raconter pendant et au retour de son voyage ! Le papa des garçons, qui a eu un AVC récemment, les soutient sans modération. « Ce saut en parachute nous ramène à quelque chose de vivant, de très puissant » note Karine.
Souhaitons leur bon vol 🙂 !
