8 avril 2014 - WhoIsWho

Indiscrétion : Jean-Claude Garangeat

JCGarangeatJCGarangeat2Notre pratique est souvent une histoire de famille, de volontés mais surtout de passion. Jean Claude Garangeat et le Parachutisme font partie de ces sagas qu’il n’est pas inutile de rappeler. Sa vie, celle de sa famille, son histoire en quelque sorte, sont intimement liées à L’ile de la Réunion et plus particulièrement le centre de Bourbon.
La métropole et d’autres spots sur la planète ont accueillis bien évidement, son amour de la chute et sa passion du vol relatif. Sportif mais aussi dirigeant, sa carrière prend fin comme l’inverse du scenario de “Out of Africa” où il pourra dire : “j’ai une ferme” en Afrique*.
Une vision du télescopage entre le monde associatif et le monde professionnel, un peu comme un morceau d’histoire à étudier.
Jamais avare d’une anecdote, avant que Impala noir, Oryx, Nyalas, Girafes, et autres Phacochères, ne soient son quotidien, FFP retrace un morceau de sa carrière.

FFP : Plus de 50 années au service du parachutisme. En Février 2014 tu passes la main au niveau de la Ligue. Quel regard portes tu sur ton parcours ?

JC : Comme beaucoup de gens de ma génération, j’ai pris contact avec le parachutisme avec la formation prémilitaire en Algérie : Officier de réserve dans un régiment parachutiste, je quitte l’armée avec 119 sauts OA.

Quelques études plus tard, reprise au LUC en 1968. Nostalgique de l’Outremer, j’entraine ma famille dans l’aventure à La Réunion.

CV Express

  • Centre de Coeur : La Réunion
  • Prof : Kiné Osteo puis professeur EN
  • Age : 72 ans
  • Premier saut : Décembre 1959
  • Nombre de sauts : 5000 sauts
  • Pilote avion et rallye auto

En 1970 j’y trouve un club récemment créé. Je deviens Moniteur Fédéral et intègre rapidement le Comité Directeur.
Initiateur VR VC PAC Tandem Plieur, bref tout ce qui est nécessaire pour être utile dans un centre école.
Fana de vol relatif je rejoins pendant plusieurs années un peu partout dans le monde le Boogie Performance pour faire de la grande formation.
J’ai participé au record de France de grande formation à Vichy (record jamais homologué mais bien réel).
Pilote largueur depuis 1975 (fin d’activité en 1998 avec l’arrivée du Pilatus car avec l’augmentation de l’activité para, difficile de concilier la PAC et le Tandem avec le pilotage).

Un dirigeant à l’ancienne, un cumul des mandats, mais comment faire lorsque personne ne cherche vraiment les responsabilités ? :

  • Comité directeur, début en 1970,
  • Présidence du Para club de Bourbon Centre école de 1978 à 2008
  • Créateur de la ligue de parachutisme en 1985, il en assure la présidence les 4 premières années puis entre 2008 et 2014.
  • Actuellement membre du Comité directeur du PCB pour aider jusqu’à son départ en Afrique du Sud.
« Ma motivation principale a toujours été de créer, de structurer et d’améliorer. »

Une vie de dirigeant bien remplie avec toutes les responsabilités des dirigeants !

J’ai connu le parachutisme à la Réunion avec quelques licenciés et une activité confidentielle, aucunes infrastructures, pas d’avion, quasiment pas de matériel si ce n’est une donation de 10 parachutes militaires.
Quand j’ai quitté la présidence du centre école, il y avait un hangar de 250 m2, un pilatus B2H2 équipé par la suite d’une turbine A34, un parc en excellent état de plus de 40 parachutes et une réserve financière de plusieurs dizaines de milliers d’euros en prévision des échéances à venir comme la GV 14 ans et le changement de turbine.
Nous n’aurions pas pu réussir un tel pari sans les quelques personnes bénévoles qui ont su s’investir sans compter et à qui je rends hommage. Cautionner les emprunts nécessaires pour la construction du hangar et l’achat du Pilatus, voilà des engagements très forts qui nous ont permis d’atteindre les objectifs fixés.

FFP : En tant d’années, notre sport a évolué, quels sont les moments ou les faits marquant qui ont particulièrement attirés ton attention ?

JC : Le parachutisme a bien sûr beaucoup évolué. J’ai commencé en hémisphérique, poursuivi en 6520 parachute mono fente, puis en Olympique, le tout en dorsal/ventral.

Les ailes sont arrivées avec le « tout dans le dos ».
Nous pensions avoir atteint le graal n’imaginant pas que celles-ci allaient évoluer jusqu’à ce qu’elles sont maintenant.

La chute aussi a évolué de la chute à plat, au relatif en combinaison « ballon », à la chute assis puis au free fly en passant par le surf et la wing suit. Une évolution qui semble ne pas trouver ses limites, et qui prouve la dynamique de notre sport.
Toutes ces étapes ont été fantastiques même s’il a fallu convaincre et parfois lutter contre les immobilismes. Aujourd’hui encore, les résistances aux changements sont là, alors que le monde parachutiste est lui inventif !

FFP : Tu vois arriver le phénomène soufflerie. Ton sentiment?

JC : Difficile de parler d’un outil que je n’ai jamais pratiqué. Néanmoins, cela me parait un concept intéressant voire indispensable dans un optique de développement.

Carnet de sauts familial

  • Andrée : 700
  • Diane : quelques centaines
  • Hélène : quelques centaines
  • Jean-Christophe : 5500

Attention, ce n’est pas le parachutisme ! J’en veux pour exemple ce postulant à la chute libre qui m’avait été envoyé par un de mes amis moniteur. Formé en soufflerie, sa PAC (pour ce moniteur) aurait du être une formalité. J’avais émis l’avis que peut-être l’environnement étant différent il n’était pas acquis que toutes les personnes formées en soufflerie franchissent le pas de la chute libre. Ce fut malheureusement le cas avec un abandon après le 4° saut : trop de stress, le terrain de jeu n’était pas le même notamment avec le manque de repères en chute et la phase sous voile.
Donc, selon moi, un excellent outil pour ceux qui veulent progresser mais pas non plus une baguette magique !

FFP : En 2014,  le bénévolat semble t’il vivrait ses derniers instants. Selon toi, info ou intox ?

En Famille

En Famille

JC : Je ne suis pas un nostalgique, à chaque époque sa vérité. Je n’oublierai jamais que le centre de la Réunion doit son développement au travail acharné des bénévoles du début, c’est ce qui nous a permis de créer l’outil actuel !
Dans le passé il n’y avait pas ou peu de sauts pour des clients hormis les sauts découverte en OA, donc peu ou pas de recettes en dehors des sommes versées par les pratiquants pour leur activité sous forme de cotisations, de tickets de sauts et de location de matériel.

Les bénévoles mettaient leur activité (et leur matériel) au service de gens comme eux et recevaient en retour sous forme de considération et de petits avantages auxquels personne ne trouvait à redire. Une autre époque certes.

Actuellement, les centres doivent pour conserver une activité « sportive » pratiquer des prix inférieurs au coût réel. D’où la pratique d’une activité commerciale déclarée ou sous couvert des sauts d’initiation.
Les recettes entrent dans les caisses du centre et les « bénéfices » sont répartis entre les pratiquants sous forme d’une minoration du prix réel du saut. Cette forme de gestion me semble « limite » car il s’agit de la répartition de recettes sous forme d’avantages au profit d’une partie des membres d’une association loi de 1901 (les vrais pratiquants). Les membres associés devraient payer le prix réel de leur activité et les profits, s’il y en a, devraient être investis dans l’objet de l’association (infrastructures, matériel, etc.)
Les petits avantages sous forme de sauts gratuits par exemple sont très surveillés par les autres membres qui veulent débourser le minimum. (FFP : et par le fisc !)
Cela est devenu d’autant plus évident avec les indépendants. Difficile maintenant pour un bénévole, de faire de l’école VR ou FF et de se faire rembourser pour le matériel utilisé et le temps passé selon le dogme qu’une personne non titulaire d’un brevet d’état ne peut pas recevoir de rémunération. Ils font le même travail mais gratuitement.

« Le bénévole est donc devenu, en partie, l’auxiliaire d’opérations commerciales sans, souvent, rien recevoir en retour. »

Attention cela n’est pas une charge envers les indépendants qui ont leur rôle à jouer et dont j’ai été un des premiers à défendre l’existence.
Mais cela devient difficile de faire cohabiter deux mondes antinomiques : d’un coté le bénévole qui est supposé pratiquer pour le plaisir, de l’autre le professionnel qui défend son activité pour laquelle il a passé des diplômes, dans des temps difficiles.
JCGarangeat4Ajoutons à cela un manque de civisme et de savoir vivre évident que les responsables de structures ne combattent pas vraiment parce qu’il ne faut pas rebuter le « client ». Le bénévole finit par se mettre au diapason et rentre dans le rang.

Restent les bénévoles BEES qui sont rares (mais j’en connais) et dont la plupart finissent pas se dire qu’ils seraient bien bêtes de ne pas faire comme les autres dans un monde où reconnaître les mérites de quelqu’un et de dire merci est devenu tellement rare !
Cela dit je trouve malsain le rapport du bénévole et du membre profiteur.
Je trouve plus sain de payer ce que l’on consomme au juste prix comme dans la vie normale.
Le bénévolat a beaucoup plus sa place dans l’associatif social au service des plus démunis, des handicapés, où les rapports à l’argent ont moins leur place.
Il y a une réflexion à mener sur la place des bénévoles dans nos structures de façon à ce qu’ils retrouvent plaisir et reconnaissance, car à l’évidence, “les jeunes de maintenant sont tout aussi capables que leurs ainés.”

FFP : Jean Claude, y a t’il une vie à côté du para ? Il paraît que tu es fermier ? Tu peux nous en dire plus ?

JC : Oui il y a une vie à coté du parachutisme. Surtout quand on est dirigeant d’une structure qui ne fonctionne qu’en WE avec une activité raisonnable moins de 6000 sauts jusqu’en 1997. Après, avec l’arrivée du Pilatus en 1998 le centre passé à 11 000 sauts par an. J’ai eu une vie professionnelle bien remplie jusqu’à l’âge de 64 ans. Il faut bien gagner sa vie et préparer sa retraite.
En étant actif beaucoup d’heures par semaine, on a le temps de faire plein de choses !
Pilote avion, pilote de rallye !

L’image du parachutisme s’accommode mal des tempes grisonnantes et du dos qui se voute, il est donc temps de passer à autre chose.
Une anecdote : au début mes élèves pratiquaient tout naturellement le tutoiement, puis est venu le temps du vouvoiement et enfin on a fini par me dire « Monsieur ». Alors là, j’ai commencé à me dire qu’il faudrait passer la main.
jcgMon épouse et moi-même voulions une retraite active. Aimant la nature et les animaux nous avons décidé de nous installer en Afrique du Sud où nous avons acquis une assez grande parcelle de bush (attention les prix n’ont rien à voir, et de loin, avec ceux que nous connaissons en France). Nous avons eu la chance de trouver un endroit merveilleux dans * la biosphère du Waterberg, environ 200 km dans le nord ouest de Prétoria où ce n’est pas tout plat comme souvent. Nous avons créé une ferme peuplée d’environ 350 animaux sauvages (Impala, Oryx, Nyalas, Zèbres, Girafes, Gnous, antilopes Sable, Phacochères,). De certains endroits de la ferme nous avons une vue à plusieurs dizaines de km.
La vie y est très agréable et le développement de la ferme très prenant.
C’est aussi une excellente base de départ pour des voyages en Namibie, Botswana, Tanzanie, Mozambique, etc.….
Il faut savoir que l’Afrique du Sud fait partie des pays émergeants avec le Brésil, la Russie, l’inde et la Chine. C’est ainsi un pays très moderne bien que très inégalitaire.
Pour l’instant nous faisons plusieurs séjours par an mais le déménagement définitif est prévu pour cette année.

Une nouvelle page à finir de remplir.

FFP : Si tu devais passer un message à la génération qui arrive ?

JC : Pas un mais deux ! Faites ce qui vous semble bien ! et avec du plaisir !

Nous les anciens nous avons commencé à tracer un sillon qui n’a pas toujours été celui nous avions imaginé, vous pouvez le continuer à l’image du temps présent. Il ne faut pas être nostalgique du passé mais ne jamais oublier de se servir de l’expérience des prédécesseurs (précurseurs ?) pour éviter les erreurs commises et faire mieux. C’est de l’Histoire que naît le futur, l’avenir est devant vous !

FFP : En forme de conclusion, nous terminerons sur ces mots de Jean Claude :

Je n’ai pas assez de mots pour exprimer ma reconnaissance à mon épouse et à mes enfants qui ont partagé ma passion et qui m’ont accompagné toutes ces années dans l’accomplissement de mes rêves. “Je vous aime”.

Propos recueillis par Patrice Girardin / Photos : Garangeat

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